Je ne me souviens pas de tout
Je me souviens de la douleur dans mes pieds
du froid
Des étapes qui m’ont rapproché de la mort ça oui, je m’en souviens
Je me souviens de ces « je me souviens » qui me hantent
de ces mots écrits tard la nuit entourée des fumées
Je me souviens de mon corps chancelant sur les routes
de la nuit, de l’épave de ton corps qui monte la colline et des rêves
qui sont des cauchemars
La poésie est la seule route à prendre
véritablement libérée des doutes
ma prose
S’enquiert des problèmes du monde et mes poèmes parlent de ma peau bronzée
De mes articulations abimées
Je m’en remettrais me dit mon cœur
Tu n’oublieras jamais me dit mon corps
Et je continue ;
Et je remplis la page
Je pourrais parler de la violence pure mais je n’en peux plus
Je n’en peux plus de tourner autour sur la ligne du grand cercle que j’ai dessiné sur le sable
Je cherche la solitude et je la fuis
Je ne peux plus aimer comme avant,
Je peux aimer,
Simplement ceux et celles qui n’ont pas peur de moi
J’ai perdu mes majuscules
J’ai perdu mes trémas
J’ai gagné en tremblements les mémoires sanguinaires de la violence des hommes
Je ne serais jamais la même car désormais je connais la folie
Je connais les yeux qui roulent dans les orbites
Les gestes qui s’agitent ;
Les grandes étendues d’eau dans lesquelles noyer ma tristesse et conjuguer le printemps à toutes les saisons
Je ne veux pas me souvenir de toi
Car tu me quitteras encore
Et nos mots envolés partiront loin dans les airs toucher des cieux encore inconnus
Je me souviens de tout
Mais pas du sang
Je me souviens de mon bras qui casse la vitre de la voiture
De la peur
De la marche
Des heures entières à chercher logis,
A chercher dans un regard quelque chose de doux
Une place sur laquelle m’endormir quelques minutes
Un lit pour s’apaiser
Des paroles pour panser ce qui restera béant encore longtemps surement
Des espaces possibles
Encore ce mot
Des espaces
Littéraires
Des espaces en espagnol pour rapprocher de celui qui s’éloigne
Les femmes me manquent
Et dans leur voix des mystères de miel, des noix concassées et des merveilles d’histoire lovés dans nos seins
Mon corps et sa douceur infinie
Des viols
Un viol
Des viols
Une violence sexuelle
Des violences de genre
Des poèmes en sciences humaines qui ne se parlent pas de la science ni de la théorie mais des rencontres qui se taisent
Des rencontres encore mon sexe et la mort
Entre mon sexe et la vie
Entre mon âme et mon esprit acharné à comprendre
Pourquoi tout cela est…
Une femme qui fut en perdition
Voila ce qu’on dira de moi
Une qui s’est perdue
Une folle
Que je ne suis pas
Je ne suis pas celle que vous croyez
Mais je suis poète
Poétesse
Ecrivante
Doucement attachée aux ports des villes de ce monde de fou
Je ne prends pas le bateau, je marche sur la terre ferme
J’avance,
Un pas après l’autre sur les sentiers de terre rouge que les ancêtres ont dessiné là avant nous
Je ne suis qu’humaine mais je tremble d’avoir encore à vivre toute la vie car je suis fatiguée
Je suis épuisée des peines et des coups
Je suis épuisée des hommes et des loups affamés qui la nuit m’ont pris mon innocence
Je ne pourrais plus que guérir par les mains et par la voix
Par les mots
Je suis docteur
Les mains ouvertes et le serpent au creux du ventre
Je me concentre en lumière blanche comme on se concentre à aimer
Doucement,
Totalement,
Apaisement –
Qui se trouve dans la marche tranquille désormais,
Les oreilles rabattues, le vent dans le dos qui s’échappe et mes larmes qui tombe sur le béton de Marseille –
Ne pas trop pleurer
S’évanouir
Je me souviens de tout
Des grands sauts dans le vide
De la femme-fantôme qui marche
De mes pensées sauvages inscrites sur ma peau,
Je me souviens de l’urine qui coule le long de ma jambe
De l’odeur de la mort
Si proche
Si terrible
Si honteuse de vouloir prendre si jeune une femme que le monde veut voir vivre
Ce sont les restes qui demeurent,
Les petits cailloux coincés sur la plante des pieds et la lune en orbite pour me guider.
Je me souviens du mépris dans le regard des gens,
Des espaces inédits pour comprendre demain
Des chemins à prendre pour avancer sans oublier
Des mots ;
Des silences
Des cris dans le noir – cliché de celle qui dit
Les cris ont déchiré l’air
Les cris n’ont rien déchiré sauf ma peau,
Peut-être
Ma peau.
Une réponse sur « Je ne me souviens pas de tout »
La poésie requiert un don sacrificiel, nul doute que tu est une poétesse, ton texte est prenant, saisissant, dommage que les tabous perdurent. Puisses-tu trouver la force d’écrire sans te retourner.
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