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Litterature Poésie

Il était une fois un corps

Collage de mots par Alizée Pichot

Des corps, connus, reconnus, perdus.

Ces corps avaient vu mille bouches, mille visages mais quelques regards à peine dans le noir des nuits douces ou moins douces.

Pendant ce temps, le corps écrivait à en perdre le sens du jour, du soleil et du temps.

Le corps, seul, tremblant d’ivresse, vivait, dansant dans l’ignorance du sombre et de la haine.

Un jour, le corps cheminait, écrivant, par réflexe, sur les corps et les gens. Ce jour-là, le corps se fit prendre par surprise, un sabre mouvant vint lui couper les ailes, simplement, et des gerbes de mots tranchants comme des lances de guerre s’envolèrent en restes de pureté que le corps dans sa vie avait gardé intact.

Centre de moi désintégré en luttes stériles contre le monde, contre les États, l’église, machine de guerres, champ de bataille –

Mon corps a connu les hommes perpétuellement en guerre contre leur cœur. Meurtri, mon temple en a guéri quelques-uns, les autres ont plongé dans la folie. Dans le miel des femmes, de leurs cuisses, de leurs douceurs, j’ai retrouvé ma poésie, mes ailes, mon souffle.

Mon corps est fleuri du sel de mes larmes, mon linceul recouvert du lichen de mes peines enfouies en charbons d’étoiles mortes, les peaux se heurtent encore sur mon plexus solaire, les mots palpitent comme mon sexe ému qui vibre encore, toujours, libre malgré la violence humaine qui s’y est abattu et a laissé entre mes courbes les poudres acides de sa nature profonde, terrienne, verte et violette en même temps –

Mon corps, des mots.

Photographie par Elena Fierro (Mexico City)

Mes rêves s’envolent dans un ciel sans fond et s’injectent en moi en vapeurs d’absinthes et en fumées d’herbe, le corps se retrouve dans les notes d’un autre corps qui vibre en jazz maniaque pendant que de mes yeux grands ouverts coulent des larmes salvatrices.

Le corps, pendant longtemps, n’écrivait plus qu’en encre suante de maux impossible à écrire, le cœur enfermé battait sans résonnance dans une caisse étouffée. De ses seins, de son sexe, de sa plume ont émergé des montages d’amour et d’amitié.

Il était une fois l’histoire d’un corps qui avait perdu la tête mais qui la retrouvait toujours.

Alizée Pichot, février 2020.

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