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Les vandales allégoriques de Miss Me : rendre visible l’intériorité de la colère des femmes, au pluriel et au singulier

Les vandales de Miss Me sont des collages, en papier, de femmes masquées, se révélant dans leur nudité, dans leur force, dans leur entièreté d’être, grandeur nature, sur les murs du monde entier.

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« Vandale » ou « Vandal » en anglais signifie selon le Larousse l’aspect destructeur d’un acte ou d’une personne, la volonté notoire d’abîmer ou de détruire un lieu public ou une oeuvre d’art.

Ce terme est utilisé depuis fort longtemps pour désigner les graffitis illégaux et toute intervention non-autorisée par la municipalité ou les propriétaires des murs sur leurs espaces.

Miss Me colle, recolle, dessine, peint, rafistole et pense ses vandales comme des morceaux d’elle-mêmes, dans toutes leur complexités, dans leurs imperfections et leur humanité. Briqués ou bétonnés, à la chaux ou en métal, les murs n’ont pas de frontières pour ces silhouettes crayonnées venant imposer à nos regards de passants une impression de puissance, une injonction à s’arrêter, à VOIR ces femmes qui nous interpellent. « À la seconde où tu les vois, tu es regardé » me confie-t-elle à propos de ses géantes. Et elle a raison, comment leur échapper, par leur taille et leur prestance, les vandales nous parlent, elles nous appellent par des messages concrets.

« GET LOST » – « I AM GOD » – « YOU MIGHT FIND YOUR WAY » – IT’S NOT ME IT’S YOU » – « YOUR DESIRE DOESN’T VALIDATE ME »

2Au delà d’un geste trivial face à l’establishment patriarcal, les vandales de Miss me sont selon ses propres mots, « des portraits de l’intérieur de moi ». Cette dernière série est destinée à être exposée en mars 2019 à la galerie SCOPE de New-York dans le cadre de sa collaboration avec la  galerie montréalaise C.O.A.

 A VOIR : UNFRAMED, ÉPISODE 1 : MISSME – Mai 2018 

Cette année encore, sont travail s’appuie sur un approfondissement de ce modèle  qu’elle poursuit dans une envie de chercher en elle une forme de pouvoir dépassant une vision historiquement négative de la force des femmes. L’idée même de persévérer avec son armée de vandales est lourd de sens. En effet, elle s’incarne par un processus d’insistance, par la répétition de ces tableaux aux accent de révolution. Un corps de femme répondant aux normes esthétiques mainstream qui l’est encore trop souvent vu comme seulement comme tel. Le corps de l’artiste, instrumentalisé par elle-même se veut alors une démonstration d’un recul vis à vis de sa propre féminité et de sa propre image.

Une accumulation de symboles, une duplication de l’être-soi, être-femme

L’évolution des vandales de Miss Me est visible cette fois-ci dans un effort  particulièrement intéressant d’accumulation. En effet, par une exploration introspective de sa propre étendue symbolique, de ses « démons » intérieurs, elle parvient à enrichir ses créations d’un imaginaire artistique, politique et critique qui vaut la peine d’être discuté. Une par une, les toiles nous proposent une entrée dans l’univers mental et intérieur de l’artiste. Par un enchevêtrement de signes et d’indices issus de son parcours d’artiste, en passant par des clins d’œil explicites à la culture du graffiti, à celle du collage et aux arts primitifs, elle nous plonge dans une masse informationnelle et émotionnelle dont il est difficile de sortir. Choisir d’aller loin dans les œuvres de Miss Me, c’est accepter de confronté une vérité qui fait mal, une vision du monde à vif, parfois douloureusement réaliste.

 

L’allégorie de la colère des femmes se dessine dans cette volonté de la représenter à travers un ensemble d’éléments, offrir une représentation aux vents contraires et violents venant secouer nos existences. Ces collages s’ornent maintenant des yeux de la colère, des sexes ouverts des femmes, des masques que nous portons pour nous protéger et des coulures inévitables qui colorent nos quotidiens. De tous ces pas de côtés effectués sans voile, sans se cacher derrière  l’art, Miss Me s’engage auprès des femmes , auprès de toutes celles qui vivent la peur au ventre, celles qui, derrière des portes blindées se défendent chaque jour contre la violence des hommes et la leur. Quand elle parle de son travail sur cette série, Miss Me fait mention d’une forme de « radicalisme confrontationnel ». Pour elle, c’est en cela que ses vandales sortent aussi du lot, parce qu’elle n’a pas peur de dévoiler cette partie d’elle. En tant qu’artiste, en tant que femme, en tant que féministe, il n’est pas toujours évident de garder un équilibre sur tous les tableaux. Elle trouve le sien dans la force, dans des symboles puissants évoquant un ensemble clair :

« POWER » – « HUMANITY » – « WOMEN » – « RIGHTS »

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De  l’influences de l’Art et des Mythes

Avant d’appartenir au rang des artistes dit du « street-art », Miss Me est une artiste du quotidien, une femme curieuse et intelligente, occupée à comprendre le monde à sa manière à travers les créations passées, les grandes histoires humaines et les témoignages d’existences accumulées avec le temps et l’Histoire. Parmi ces sources d’inspiration, nous trouvons  Jean-Michel Basquiat, un artiste afro-américain reconnu pour son usage des iconographies décomposées, des formes signifiantes spontanées, une esthétique déconstruite\déconstruisante et d’un sens humain aujourd’hui admiré par de nombreux artistes. On reconnaît cette influence dans les éléments dé-tâchés qu’elle colle sur les corps de ses vandales. 

Au détour d’une courbe ou d’un cri des vandales, vous apercevrez aussi des références aux grands mythes humains, dont ceux de l’antiquité grecque. Un serpent symbolisant Méduse et sa tragique destinée de femme libre vouée à l’esclavagisme pour réduire sa beauté à un sort jeté contre les envieux. En masque ou en peinture, Mickey et ses oreilles légendaires viennent nous rappeler que la culture populaire insidieusement insérée dans toutes les sphères de nos vies est un appel à la réflexion sur nos modes de consommation et de réception des objets culturels. À sa manière, elle enquête, elle étudie des états de faits, se bat pour les femmes et pour l’égalité, unapologetically herself. 

 

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Crédits photo : Cheap Festival Bologna – 2018 

IT’S NOT ME IT’S YOU : En décembre 2018, Miss Me est invitée au festival d’art urbain CHEAP à Bologne, en Italie. Là-bas, avec l’aide de six femmes, elle orne avec masques et détermination les murs d’une sanglante injonction à ne plus prendre le corps des femmes pour acquis. Le long d’une autoroute à fort passage, les conducteurs et conductrices sont confrontés à la vision de ces immenses femmes ainsi qu’à leur propre vision d’une société italienne sexiste dans sa politique et dans son histoire. Les interventions de Miss Me sont  ancrées, elles sont témoins d’une conscience géopolitique, d’une volonté de s’insérer dans un discours contemporain de contestation des normes et des modes de vies contribuant à perpétuer les oppressions. 

Pour suivre son travail, suivez la sur Instagram !

 

 

 

 

 

 

 

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