On le sait tous (ou presque maintenant), le web est un espace de découverte sans pareille, on y trouve des pépites et des immondices, on y comprend l’évolution de notre époque et on s’effraie des dérives humaines.
Ainsi donc, le web est la personnification de notre ambivalence, du bon, du moins bon, il s’agit alors d’y effectuer un tri subjectif et de consommer ce qu’il nous plaît.
Alors j’annonce la couleur : Pieuvre, c’est bon, c’est original et ce pour un bon paquet de raisons.
Arthur Vauthier, le réalisateur-auteur-metteur en scène
Je découvre Arthur pour la première fois dans The Kidults, une web série diffusée sur Youtube dans laquelle quatre colocs se croisent et se parlent dans leur étroite salle de bain parisienne. Depuis 2014, les aventures s’étendent, les personnages s’ajoutent et les histoires se mêlent. Entre humour ultra-personnel et identification du quotidien, The Kidults est une recette gagnante qu’Arthur approfondit épisode après épisode.
En suivant les aventures des énergumènes attachants des Kidults, je comprends vite qu’Arthur ne s’arrête pas là, au contraire, il commence. Emballée par la dynamique de ce touche-à-tout de l’image, je me connecte à mon insta pour regarder les 50 premiers épisodes du Projet Pieuvre.
Le format : des vidéos d’une minute, les « Instants », se suivent et ne se ressemblent pas, s’enchaînent et enrichissent, un clip à la fois, cette série fleuve qui ne ressemble à aucune autre.
Portrait d’un projet : rencontre avec Arthur Vauthier, café L’éventail, Paris 11e, 16h, en terrasse.
Ferdinand, Loïc, Daphné, Sophie, autant de personnalités qui se croisent, se parlent, s’aiment et se cherchent dans ces courts instant de vie qui se construit dans Pieuvre. Une narration en étoile, qui paraît infinie embarque les spectateurs dans le quotidien intime de ces jeunes entre 25 et 30 ans.
Les aléas de leurs vies sont déclinés tout au long de cette série fleuve dont le point le plus significatif s’inscrit dans une narration toute particulière. Au lieu de partir d’un point A allant vers un point B passant par un point X, on navigue tranquillement dans des branches séparées se rejoignant par contact, comme dans la vie, comme dans l’amitié, comme dans l’amour.
Arthur, volubile et souriant me parle de son projet avec passion et une forme de naïveté dans laquelle je vois une réelle volonté de créer par plaisir, poussé par une créativité stimulée par les autres, il a déjà prévu des épisodes jusqu’en mars 2019. « Très attaché à la redondance » voici sa réponse quand je m’intrigue du format. Ses inspirations sont claires, le cinéma asiatique, et plus particulièrement Tsai Ming-Liang, réalisateur taiwanais dont la marque de fabrique s’installe dans la lenteur et la précision des choix narratifs. Le créateur de Pieuvre exprime la volonté de créer un univers particulier, une émulation de la vraie dans laquelle la fiction se perd et le spectateur aussi. Il voit son projet comme un micro-feuilleton, « presque un soap », une fenêtre sur la vie qui apparaît dans nos feeds instagram, un espace dans lequel l’ordinaire devient extraordinaire.
Parlant de sa narration qui m’interroge, ce dernier confie fonctionner avec un sens du pointillisme certain, l’élaboration d’un écosystème de micro-événements qu’on retrouve dans la contemplation des épisodes les uns après les autres. A cet élément vient s’ajouter un « sens de l’ellipse, une volonté de laisser les spectateurs imaginer entre les points ». Chaque personnage de Pieuvre possède une palette de moments qui se mêlent aux moments des autres.
L’organisation de Pieuvre demande une grande logistique, une logistique précise pour rejoindre les acteurs ensemble au bon moment. En effet, cette continuité des épisodes sans pauses a un côté un peu « performance » tout en gardant toujours une marge de liberté.
Tinder, ennui et relations contemporaines
Ce qui m’interpelle dans Pieuvre, c’est le quotient vérité qui transpire dans les représentations. Entre l’instant premier et le dernier, on croise de tout, on est plongé dans des vies qui ressemble au nôtres (nous, génération millenial, cherche l’amour et à sortir de la précarité).
Certains personnages sont homosexuels, d’autres hétéro, d’autres travaillent, d’autres non, certains s’impliquent dans le dating en ligne, d’autres commencent des relations dites « normales ». Les uns cherchent la proximité, les autres fuient l’intimité. Au travers de leurs téléphones, les protagonistes de Pieuvre sont moi, mon mec, ma voisine, mon collègue, mes amies, c’est une transposition réussie des écosystèmes humains de notre génération. C’est une diversité queer on ne peut plus normale qui nous est présentée. Une diversité de parcours de vies qui existent sans avoir besoin de se justifier, vivant et existant ensemble avec réussites et difficultés on ne peut plus banales.
Alors oui, on y parle des réussites et des échecs, on y parle de cul, on y parle de tristesse, d’art, de trucs chiants et de trucs banals. Dans cette exploration, Arthur confie vouloir « montrer une sexualité comme faisant partie de la vie ».
Plus encore, au travers de la capture du quotidien dans les appartements, dans les pièces les plus privées du tous les jours, Pieuvre nous livre « une mise en scène de l’intime, une manière de faire voir comment on laisse rentrer les gens dans nos vies ».
Pieuvre sur Instagram : une aventure méta-réflexive sans prise de tête
Ce dernier point est justement ce qui a poussé Arthur a diffuser sa série sur Instagram, lieu virtuel ou l’image est reine, l’espace par excellence de la mise en scène de nos vies. Consommation rapides, contenu fleuve, on est pile dans l’objectif de la plateforme.
Mais, car il y a toujours un mais, la spécificité de Pieuvre est de nous garder en haleine sur la page instagram. Parce que les histoires nous embarquent, on en veut plus toujours plus. Un épisode d’une minute ça va vite, posés sur le trône ou dans les transports en commun, on avale la série comme un paquet de gâteaux, sans foi ni loi.
En choisissant d’exposer des histoires intimes sur Instagram, en décidant de proposer aux usagers un contenu qui va au-delà des normes, Pieuvre et Arthur s’installent dans un flou artistique ou politique et personnel ne font qu’un. Pour autant, il estime ne pas faire de prosélytisme quand certains de ces détracteurs virtuels l’accusent de ne montrer qu’une partie de la réalité : des personnages et des réalités qui s’éloignent du système hétéronormatif pour s’en aller vers de nouvelles visions du monde, plus ouvertes, moins codées quoique codifiées par les nouvelles modalités de communications médiatisées par les réseaux sociaux.
Questions de couple, questions de sexualités, d’identité de genre, Pieuvre évoque l’idée que « d’autres choses sont possibles. (…) le modèle traditionnel peut ne pas fonctionner comme peut ne pas marcher le couple alternatif ». A travers ce projet, Arthur vise à partager son constat que « si on est bloqué dans une vie normée on est vite malheureux ».
Vu par les comédiens : une histoire de famille
Invitée par Arthur à la journée de tournage du mercredi, je rentre en immersion dans une scène. Une scène dans une scène presque parce que je retrouve dans la vie des comédiens qui jouent la vie. Des amis d’Arthur et des amis d’amis se rejoignent petit à petit au projet. Des rôles se créent et des nouvelles intriguent apparaissent au fur et à mesure des rencontres.
Je comprends rapidement que la spontanéité et l’improvisation occupent une place de choix dans la création des capsules. Ce jour-là, Daphné et Loïc jouent une scène au lit dans laquelle la première doit jouer l’amoureuse transie n’ayant pas envie de rejoindre son ami esseulé pour mieux rester au chaud sous la couette avec son nouveau mec. Prise 1, prise 2, prise 3, pas une pareille, mais la bienveillance d’Arthur derrière sa caméra et la flexibilité des comédiens facilite le processus.
Pour mieux comprendre la substance de la pieuvre, j’interroge les quelques comédiens présents sur le projet, saisir leur regard à eux sur cette initiative particulière ou ils jouent une forme de réalité subtile pas si subtile que ça.
Qu’est ce qui vous plaît le plus dans le Projet Pieuvre ?
Loïc (rôle de Loïc) : « Pieuvre c’est la vraie vie, c’est improviser et jouer en même temps. Essayer tout pour savoir ce qu’on aime. La sensation de participer à un projet un peu secret, jouer un homme gay en étant hétéro, dépasser ses limites. »
Sophie (rôle Sophie) : « Pour moi, Pieuvre c’est la description de la jeunesse actuelle, ultra-connectée et ultra solitaire »
Daphné (rôle de Daphné) : « C’est intéressant du point de vue du format web. La vie quotidienne des gens, même les côtés chiants. On plonge dans le réel. »
Ferdinand (rôle de Ferdinand) : « La plongée dans l’intime comme un idéal pour percer une vérité humaine qui nous lie les uns aux autres. C’est un projet entre potes dans lequel on se fais des potes »
Si vous n’êtes pas encore convaincus d’aller binge-watcher cette Pieuvre de Projet, je vous laisse juste ici les liens pour aller les suivre, les soutenir et découvrir l’univers humains qui entoure le projet :
Instagram : https://www.instagram.com/projetpieuvre/
Facebook : https://www.facebook.com/projetpieuvre/
Chaîne Youtube de The Kidults :https://www.youtube.com/user/thekidultsvideos
Une réponse sur « Projet Pieuvre : la web série sur Instagram qui change les codes »
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