C’est lors de leur première exposition commune DIG que je découvre, pour la première fois en face à face, ces deux jeunes artistes multidisciplinaires à la Galerie Carte Blanche à Montréal.
Gabriel et Arnaud nous viennent tous les deux de la ville de Québec et sont descendus à Montréa pour agrandir leur public, découvrir des opportunités et rencontrer d’autres artistes et amoureux des arts.
Avec une détermination et une envie de partager le travail, les deux peintres s’y mettent d’arrache-pied. Gabriel Paquet termine huit œuvres en huit jours, infusant les toiles d’une énergie particulière, mêlant intensité émotionnelle et lâcher-prise. Dans ce contexte de présentation de leur démarche artistique autant que de leurs œuvres, Arnaud et Gabriel se rassemblent, et ce pour plusieurs raisons. DIG, c’est une association à long terme.
Ils ont en commun des pratiques artistiques éclatées certes mais cohérentes dans leurs intentions et leur amour pour une exploration au-delà des techniques, vers une compréhension de leurs propres limites.
Arnaud Leclerc : Cadres-non conventionnels, colorimétrie et conscience politique
Plusieurs éléments significatifs sont à noter dans l’univers d’Arnaud Leclerc, mais ce qui ressort le plus à mon avis, lorsque l’on est face à ses toiles, ce sont ses formes multiples aux couleurs franches et inévitables, des vortex de pattern comme une entrée directe et psychédélique dans l’esprit créateur de l’artiste.
Photos : Sam Bil
Sous forme d’illusions d’optique, Arnaud décompose intellectuellement des abstractions qui lui appartiennent certes, tout en ayant un effet immédiat sur le spectateur : une absorption ou un rejet. Je ne crois pas que l’idée derrière ces œuvres profondément mentales est de captiver par la vue le public. A l’inverse, la démarche du peintre s’inscrit plus vers une ouverture des codes de lecture traditionnels de la peinture. Chez lui, les thèmes de l’invisibilité, de la transparence et de l’interaction des enjeux reviennent en boucle, comme une quête des points de rencontre, ici entre les couleurs, les lignes et enfin, les formes.
Sa dernière innovation trouve sa réalisation dans des grandes œuvres dont il définit actuellement la direction. Il les appelle des « Cadres-non conventionnels » :
Au travers de ces œuvres grandes comme l’imaginaire de l’artiste, il y explore à sa manières les relations de pouvoir entre les classes sociales, superposées les unes aux autres, son idée des hiérarchies se rend visible dans l’accumulation de couleurs et d’une géométrie à la symétrie particulière et aux couleurs sensibles, aliénées. En bref, Arnaud Leclerc c’est un mouvement perpétuel imaginé en formes, en couleurs et en obsession, une conscience aiguë des enjeux de notre temps, en adéquation avec sa génération, éveillée et indignée.
Gabriel Paquet : entre bande-dessinée, graffiti et peinture, une aventure vitale vers la création
L’œuvre de Gabriel Paquet serait difficilement résumable en un paragraphe tant il va déjà loin dans ses explorations artistiques. Ce dernier commence à dessiner dès petit, il empoigne les crayons comme d’autres dansent, chantent ou construisent naturellement.
Afin de saisir la démarche de cet artiste, il est pertinent de discuter avant tout de son parcours. Celui qui griffonnait compulsivement étant petit se tourne rapidement vers les arts comme voie professionnelle. De Québec, il part en France pour étudier les beaux-arts. Là-bas, il est confronté à un refus de la figuration au profit de l’abstraction. Il se trouve alors dans un conflit d’école artistique, et finalement décide d’aller à fond dans ses envies, quitte à en faire trop dans l’étude de la figuration.
De retour au Québec, Gabriel Paquet décide de s’assumer et de rassembler ses influences, d’utiliser ses espaces de création comme des défouloirs, des surfaces de catharsis plus en adéquation avec sa vision de l’art comme une chance d’explorer la vie, les émotions et les réalités qui l’entourent et l’inspirent.
De ses inspirations adolescentes, Gabriel retient en premier lieu la bande-dessinée. Il développe une proximité avec ce médium d’entre deux, illustration et narration faite un, avec l’opportunité de raconter ses propres histoires. Un peu plus tard, ce sont ses vagabondages urbains qui viennent enrichir une pratique déjà multiple. Dans les arts de rue il trouve une connivence, une fascination pour cette forme de rébellion universelle et ancienne, transformée en couleur et en gestes au travers de l’observation du graffiti contemporain et québécois.
Pour ce peintre\bédéiste\tatoueur, cette exposition fut l’occasion de dépasser les limites, de bâtir une narration fictive fantasmagorique dans lequel ses personnages fétiches, ses alter-égos, les BUMS, vont d’aventures en aventures, entre quatre murs de bêton brut ou dans un coin de rue aux multiples dangers. Selon ses mots, les Bums, qu’il décline en BD, en dessin, en peinture et en tattoo, sont à l’image de stars déchues, des losers en quête d’intensité et de vibrations. Les inventer est pour lui une entrée direct vers un discours sur le soi dans un univers inconnu, détaché du réel, comme un storytelling du fantasme.
Gabriel Paquet le peintre déroge quelques peu aux règles de la figuration classique en allant jusqu’à vandaliser ses propres œuvres, y implémentant des hommages aux tags nocturnes, aux graffiti de contestation, aux simples expressions humaines sur cet espace commun qu’est la rue, rendue sédentarisée par un culte de l’apparence et de l’esthétique de la pureté. Au travers de ses hommages aux cultures sous-terraines de la rue et de la bande-dessinée un peu dark, un peu sceptique et 100% personnelle, Gabriel Paquet fait l’expérience de la création comme « une transe révélatrice » dans laquelle il apprend à se connaître, et à reconnaître les mouvements constants des êtres.
Au cœur de son esthétique s’ancre un amour profond pour le geste de la peinture, l’acte de création spontanée visible dans les traces du pinceau sur la toile, des couleurs marquées et marquantes aux nuances de la vie. Ses références s’étendent de Mickey Mouse et ses contradictions aux icônes populaires des années 2010, se mélangeant dans une pratique du dessin désordonnée et pourtant perfectionniste.
Les œuvres présentées à la Galerie Carte Blanche parlent d’elles-mêmes tout en laissant au public le loisir de faire l’expérience d’un médium pictural narratif, de références cachées avec l’ironie et le cynisme d’une jeunesse profondément joyeuse et avide de créer.
Vous pourrez les retrouver à la Galerie Carte Blanche du 29 janvier au 4 février prochain pour une nouvelle exposition, accompagnés de deux photographes entrés nouvellement dans le collectif DIG.
Gabriel Paquet : https://www.instagram.com/pnt.g/
Arnaud Leclerc : https://www.instagram.com/arnaud5.leclerc/
Tous les crédits photo appartiennent à Sam Billington: https://www.instagram.com/samelbil/
Une réponse sur « DIG Collectif – la relève de la peinture contemporaine par Gabriel Paquet et Arnaud Leclerc »
[…] du travail acharné de Gabriel Paquet, peintre, illustrateur, bédéiste, ancien membre du collectif DIG et de son univers de pensée, croisé avec le mien, […]
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